Magic Hortus de François Alix, le rêve d’un homme raffiné

François Alix fait des fleurs, en acier soudé à l’arc. Pas une, pas deux, des milliers. Des jaunes, des rouges et des bleus, il en saupoudre son univers.

C’est un homme délicat qui fait de l’acier une dentelle, des claustras, une transparence, des danseuses qui rouillent en ribambelle et des poissons qui flottent au dessus de l’eau. François Alix est un poète de l’acier.

Nous avons eu la chance de le rencontrer, d’effectuer une visite à pas feutrés de son univers coloré. Une fois devant le portail, nous prenons notre courage à deux mains (nous sommes de ceux qui n’aiment pas s’imposer, qui n’aiment pas déranger) nous trouvons un numéro de téléphone que nous appelons. Ce n’est pas le sien, mais nous avons de la chance, c’est celui de Simon Plumecocq (auteur d’un magnifique documentaire sur François Alix, qu’il faut que vous regardiez) et qui gentiment nous donne ses coordonnées (merci Simon d’avoir permis cette belle rencontre).

François Alix est aussi un homme accueillant. Il est à la maison, il vient nous ouvrir, flanqué de Rothko. Pas celui là non. Une grosse bête jaune qui nous arrive à la hanche, avec une tête de la taille de celle d’un veau en plus intelligent, une grosse truffe qu’il vous colle dans la main et des yeux marrons lumineux. Son maître aussi est lumineux, ça se voit tout de suite. Il nous propose d’emblée un café que nous acceptons avec plaisir et il nous laisse déambuler dans son univers le temps de le préparer.

C’est une merveille. Après avoir dépassé les hangars et la ferraille éparpillée qui lui sert de matière première (mes antennes d’accumulatrice frétillent), nous débouchons sur un espace paysager et architectural. Au fond de l’espace, il y a une construction sur deux niveaux, très graphique, très rectangulaire, recouverte d’une foultitude de fleurs légères et colorées ou brun rouille, de gros ronds bleus attirent l’œil. C’est foisonnant, c’est léger, presque vaporeux. A droite il y a un bassin où flottent des ballons jaune avec un petit pont qui passe au dessus, à gauche des jardins carrés entourés de dentelles d’acier et de balustrades en pierre avec des petites sculptures posées un peu partout. Au fond, une ribambelle de danseuses lilliputiennes s’enfuient joyeusement et partout des arbres fleuris, des plantes fantastiques…

Le café est prêt, François nous précède. Nous passons sous la construction, à gauche il y a un mur de minuscules fleurs rouillées. A notre grande surprise, il se sépare en deux et pivote pour laisser un passage rond (je reconnais le cerclage d’acier d’une immense roue de charrette). Dans la maison un café nous attend sur une grande table en marbre, nous le boirons dans des tasses empire en porcelaine bleue, à piedouche. L’intégralité des murs est recouverte de livres gainés de cuir avec des lettres gravées. Il y en a partout, rangés dans des étagères dont on voit bien qu’elles ont été faites exprès avec des cases à la mesure (peintes en « rouge de la joie », la même couleur que les poutres de ma cuisine). François est un homme foisonnant. Ce sont les restes d’une ancienne vie, celle où il vendait des bouquins anciens et habitait en Suisse. On comprend qu’elle n’a pas très bien fini cette vie là, mais les livres n’y sont pour rien, il vit toujours avec.

Nous passerons là deux heures à échanger sur son travail, sur ses choix, sur la vie chaotique, celle qui passe, sur ce qu’il aimerait laisser comme trace, sur les autres créateurs d’environnements. Il nous révèle sa proximité avec Urbain Grandier, prêtre cultivé et libertin, condamné le 18 août 1634 par vengeance pour « crimes de magie, sortilège, irreligion, impiété, sacrilège et autres crimes abominables » et brûlé vif en place publique à Loudun. Il nous conseille d’aller à Loudun, ville sinistrée, pour voir une exposition d’art singulier qui s’avèrera aussi un très rare moment de bonheur et d’inspiration.

François est un homme cabossé et c’est pour ça qu’il essaye d’enchanter la vie, la sienne et celle des autres. Le métal c’est rude, ça fait mal, c’est froid, ça permet au passage « d’expier deux ou trois trucs » et puis ça se transforme en jardin fabuleux à force d’efforts, de brûlures et de doigts meurtris.

Son jardin, il voulait l’ouvrir au public, se réjouissant déjà de futurs partages, de sourires, de regards émerveillés. Et puis les gendarmes sont venus le 14 mars dernier, escortant un inspecteur des installations classées venu dresser un procès-verbal, Magic Hortus serait une décharge à ciel ouvert et relèverait des installations classées, François n’a pas les autorisations. Il a pris un avocat, le site est en danger. Quelle violence cela a dû être pour lui.

François est maintenant un homme inquiet. Ne le laissons pas tomber, ne laissons pas Magic hortus disparaitre. Vous pouvez lui apporter simplement votre soutien sur sa page facebook et surtout parler de lui autour de vous. Vous pouvez aussi lui faire part de vos idées incongrues, improbables, mais surtout malines pour l’aider à sauver ce jardin merveilleux.

Références:

La page facebook du Magic Hortus
Article de 2021 dans le quotidien « Centre Presse »
Article dans le « Canard Enchaîné » du 7 mai 2024
Documentaire « le Chantier d’un rêve – François Alix » de Simon Plumecocq

Magic Hortus, le Foreil, 86420 Verrue


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