Propriété privée, défense d’entrer

En urbex on croise souvent des panneaux rouge et blanc comportant le libellé ci-contre, agrémenté ou pas d’une mention de la présence de caméras de vidéosurveillance. Ne me dites pas que vous les franchissez avec une conscience parfaitement tranquille.

Alors qu’en est-il vraiment?

D’abord il faut distinguer propriété privée et domicile. En effet, le domicile bénéficie d’une protection renforcée. Ce régime spécifique se trouve dans la section “De la protection de la vie privée” du code pénal. La protection contre la violation de domicile vise à protéger l’intimité d’autrui, et non la propriété immobilière.

Qu’est-ce qu’un domicile?

Le code civil définit le domicile mais uniquement pour ce qui concerne l’exercice des droits civils (le droit de vote par exemple): article 102 “Le domicile de tout Français, quant à l’exercice de ses droits civils, est au lieu où il a son principal établissement”.

Le code pénal, quant à lui, ne définit pas le domicile, il convient donc de se reporter à la jurisprudence.

Le domicile a tout d’abord été défini par la jurisprudence comme « toute demeure permanente ou temporaire occupée par celui qui y a droit, ou, de son consentement, par un tiers» (Cass. Crim., 24 juin 1893 : DP 1895. 1. p.407 ; Cass. Crim., 28 janv. 1958, Bull. Crim. 1958, n°94). Cette définition a été reprise dans nombre d’arrêts (Cass. Crim., 26 février 1963, Bull. Crim. 1963, n°2 ; Cass. Crim., 13 oct. 1982, Bull. Crim. 1982, n°212 ; RSC 1983, p.670, obs. G. Levasseur ; Cass. Crim., 24 avr. 1985, Bull. Crim. 1985, n°158, RSC 1986, p.103, obs. G. Levasseur.) qui dispose notamment que le domicile n’est pas uniquement le lieu où une personne a son principal établissement, mais constitue encore le lieu où, qu’elle y habite ou non, elle a le droit de se dire chez elle, quel que soit le titre juridique de son occupation et l’affectation des locaux.

Vous voilà avertis, un château ou une maison qui ne semble pas habitée mais qui est toujours pourvue de meubles et d’effets personnels pourrait être regardée par un juge répressif comme un domicile.

Qu’est-ce que la violation de domicile?

La violation de domicile est définie à l’article 226–4 du code pénal: “L’introduction ou le maintien dans le domicile d’autrui à l’aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte”.

Ainsi, la violation de domicile n’est pas retenue par la jurisprudence lorsque l’auteur entre dans un domicile en profitant du fait que le portail est resté ouvert (CA Grenoble 31 oct. 1997) ou entrouvert (CA Paris 22 juin 1990). Si l’accès est libre, l’individu qui en a franchi l’entrée sans user de violence ne commet pas de violation de domicile (Crim. 8 déc. 1981, Juris-Data no 3501)

Le terme “voies de fait” est extrêmement large: escalade d’un mur ou d’un portail, actes de violence contre les biens ou les personnes (RM, question écrite N°5233 de Mme Virginie Duby-Muller).

Vous voilà prévenus, la violation de domicile commence dès le découpage du grillage à la pince coupante.

La violation de domicile (art. 226–4 du code pénal) ou la simple tentative de violation de domicile (art. 226–5 du même code) est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

Qu’en est-il de la propriété privée qui n’est pas un domicile?

Malgré les panneaux menaçants, il n’existe pas de violation de propriété privée, en revanche les principes de protection des biens édictés au livre III du code pénal “Des crimes et délits contre les biens” s’appliquent:

Je ne détruit pas, je ne dégrade pas, je ne détériore pas (art. 322–1 alinéa 1 du code pénal). Sinon je risque 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. Si en plus je le fais dans un local d’habitation, un établissement scolaire, éducatif ou de loisirs, la peine est portée à 5 ans d’emprisonnement et l’amende à 75 000 euros (art.322–3, 5° du même code). Et si en plus du reste, je le fais à plusieurs ou je dissimule mon visage pour ne pas être identifié, là c’est 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende.

Je ne trace pas d’inscription, de signes ou de dessins sans autorisation préalable, sur les façades, les véhicules, les voies publiques ou le mobilier urbain (art 322–1 alinéa 2 du code pénal). Sinon je risque 750 euros d’amende et une peine d’intérêt général à condition que le dommage soit léger. Si en plus je le fais dans un local d’habitation l’amende est protée à 15 000 euros.

Je ne ramène rien de mes explorations, car sinon c’est du vol. Et le vol est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende (art. 311–3 du code pénal. Évidemment si je le fais dans un local d’habitation ou que je le fais à plusieurs ou que je dissimule mon visage, je risque 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. Évidemment si je cumule deux des circonstances précédentes (par exemple nous volons à plusieurs dans un local d’habitation), nous risquons 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende (art .311–4 du même code). Si je suis majeur et que je commets le vol avec un mineur, même dans un local qui n’est pas un local d’habitation, et que je n’ai pas une cagoule je risque quand même direct les 7 ans et les 100 000 euros (art. 311–4–1 du même code). Si, pour couronner le tout, j’ai pénétré dans le local d’habitation par ruse, effraction ou escalade, je risque aussi direct 7 ans et 100 000 euros

Je ne me fais pas un petit feu de bois (ou d’autre chose) dans la magnifique cheminée de ce château abandonné, car si j’y mets malencontreusement le feu je risque un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende (art.322–5 du code pénal). Évidemment il peut aussi y avoir des circonstances aggravantes qui alourdissent et mon cas et ma peine jusqu’à 20 ans d’emprisonnement et 200 000 euros.

Voilà et surtout, si je me fais prendre, je ne la ramène pas!

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