Maner an Tornaod

Le Manoir sur la Falaise

Deux piles en granit brutalistes encadrent une grille basse en fer forgé d’un bleu passé. Elle laisse découvrir une allée goudronnée et de jolis pins maritimes.

L’une des piles intègre un éclairage, l’autre porte fièrement une sculpture, une sorte de logo, le symbole du lieu. Dès l’entrée, l’ésotérisme est présent. Le propriétaire avait voulu une construction « au carrefour des forces telluriques et historiques ».

Le portillon a probablement disparu, deux chaines barrent l’entrée au parc. Il est aisé de les franchir. La jolie allée serpente dans un petit bois de pins puis dans la lande. C’est une vue extraordinaire qui accueille le visiteur. Le parc situé sur une falaise domine toute la baie, la mer, parsemée de petites voiles blanches, envahit tout l’horizon, à 180 degrés.

Le propriétaire avait fait installer une croix face à la mer, elle est toujours debout, surplombant l’océan. Nous n’avons pas souvenir d’avoir déjà été confronté à une vue si extraordinaire, à un lieu aussi magique.

Lorsqu’on se retourne on aperçoit la construction dont l’architecture, austère, peu ouverte sur le panorama, avec sa vigie aux allures de clocher, interroge au premier regard. On ne peut pas vraiment dire que, du côté de la mer, les façades sont attrayantes.

Nous faisons le tour pour trouver l’accès à la maison. C’est à nouveau une petite grille en fer forgée, du même modèle que celui du portail qui barre l’accès à une terrasse joliment dallée. Une ancienne auge circulaire en pierre sculptée et gravée trône au milieu, elle a été brisée. On devine qu’il y avait un bassin traversé par une petite allée d’accès à la porte d’entrée. Un bel arbre ornemente la cour, il semble encore domestiqué.

Les constructions s’organisent autour d’une cour. Il a été écrit que l’intention architecturale du propriétaire était de faire de cette construction atypique un trait d’union entre tradition et modernité. La disposition des bâtiments a été créée pour rappeler les villages bretons d’autrefois, ramassés autour de leur église, symbolisée par la vigie en forme de clocher.

La modernité est dans le revêtement des façades en parement de granit et à l’intérieur de la bâtisse constitué de pièces rectangulaires dallées de marbre et richement décorées (ascenseur, robinetteries plaquées or, tentures en patchwork de daim, dallages en marbre). L’intérieur n’est hélas plus accessible, les ouvertures ont été murées depuis le rachat du domaine par le département.

On devine cependant, par les ouvertures qui possèdent des grilles et qui n’ont pas été murées qu’il ne reste plus rien du tout, les espaces intérieurs sont vides et tagués.

Le propriétaire n’a jamais habité, ni personne d’ailleurs, ce « manoir » construit en 1973–74. Ce riche breton qui rêvait d’y prendre sa retraite n’en aura pas le temps, il meurt en 1978 sans descendance. S’en suit alors une bataille juridique de près de 40 ans qui se solde par une préemption du département.

Nous quittons le domaine avec le sentiment d’être privilégiés d’avoir pu entrevoir, l’espace d’un instant, la vision utopiste de celui qui a imaginé ce lieu, havre de paix suspendu entre ciel et mer.

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