L’Hostellerie des Quatre Singes

aka Hôtel Omar Raddad

En partant vers l’Auvergne cette fin décembre 2019 pour explorer des lieux repérés depuis longtemps (voir les Thermes bleus, Le Château de l’italienne, Utopies n°1 et 2) nous sommes repassés devant l’Hostellerie des Quatre Singes. Nous le guettons par la fenêtre, nous attendant à le voir à jamais figé dans son abandon. Mais c’est la stupeur.

Le château des Bézards a pris feu dans la nuit du 5 au 6 septembre 2019, vers 1h du matin. Les pompiers n’ont pu venir à bout de l’incendie que dans la matinée. Il ne reste que des pans de murs. Nous nous arrêtons devant et près de 4 mois après il subsiste encore dans l’air une odeur de brûlé. Nous sommes tristes, il faisait un peu partie de nous.

Maintenant, nous allons pouvoir vous raconter sa vraie histoire, sans rien occulter.

Louis d’Eichthal (1837–1912), fils d’Adolphe d’Eichthal (1805–1895) et de “Louisa” Elizabeth de La Rüe (1816–1890) est né le 28 juillet 1837 à Paris. Il se marie le 21 juin 1866 avec Amy Freeman (1844–1901) d’origine suisse. Ils auront trois enfants: William d’Eichthal (1867–1934), Marguerite Blanche d’Eichthal (1868–1948) et Aline d’Eichthal (1874–1960).

Il sera capitaine de la garde mobile puis officier d’ordonnance du général Bourbaki en 1870 et 1871 (armée de la Loire puis 1ère armée ).

C’est vers 1870 que Louis d’Eichtal fait construire une grande maison de maître au lieudit Les Bézards à Sainte Geneviève des Bois dans le Loiret dont il deviendra maire en 1876. La famille demeure au château de 1872 à 1896.

Sous l’impulsion d’Amy, la famille prêtera dès 1882 la ferme du domaine pour héberger les premières colonies de vacances en France sous l’égide de l’Oeuvre de la Chaussée du Maine et de Mme de Pressensé.

Ces colonies de vacances d’initiative protestante, puis israélite, auront un but « d’hygiène philanthropique ». Leur objectif est de « fortifier les adolescents » et d’« arracher des proies à la tuberculose » qui fait alors des ravages.

Mais Amy décède de mort brutale en 1901. La famille décide alors de continuer à prêter les communs pour l’Œuvre israélite des colonies de vacances. Celle-ci écrit, je cite: “en première ligne nos bienfaiteurs, M. et Melle d’Eichthal qui, au moment même où ils étaient frappés dans leurs plus chères affections, ont pensé à nous assurer de la continuité de leur appui si précieux…” (Assemblée générale du 3 février 1902).

En 1904, la colonie des Bézards est considérée comme le « séjour de vacances par excellence », et la famille d’Eichthal comme des bienfaiteurs.

Puis, l’Œuvre des colonies de vacances israélite connait des difficultés financières. L’ état précaire des finances force le conseil d’administration à ralentir son action et à refuser des séjours aux enfants qui en ont déjà bénéficié.

Enfin, Louis d’Eichthal décède à son tour au château en 1912 à l’âge de 75 ans:

“William d’Eichthal, fils du défunt et mademoiselle d’Eichthal conduisaient le deuil. Le char funèbe était accompagné de la compagnie des sapeurs-pompiers et de la Société de secours mutuel qui formaient la haie. Le char funèbre et une voiture étaient couverts de palmes et de couronnes, parmi lesquelles : celles des Vétérans, de l’Oeuvre du séjour dans la campagne, des Enfants de la ferme de la Poste, du personnel de la Compagnie du gaz du Mans, et de la Société de tir des Bezards, de l’école municipale de Sainte-Geneviève.”

Après la mort de Louis, le château est mis en vente et les dernières colonies de vacances sont organisées aux Bézards à l’été 1913, une centaine d’enfants y sont encore accueillis.

Il y a ensuite un trou dans l’histoire du chateau des Bézards entre 1915 et 1964. Il aurait été centre d’apprentissage pour garçons, puis école hôtelière.

Enfin, en 1966, le château devient une hostellerie dans le genre “rustique distingué”, l’Hostellerie du Château des Bézards.

Située sur la route des vacances (N7) l’hostellerie connait un succès mérité. Une piscine est construite dans le parc, des parasols sortent aux beaux jours, les familles viennent déjeuner le dimanche ou passer un week end à la campagne.

En 1985 les chambres coûtent entre 230 et 390 francs.

En 2001, les ennuis commencent, un sinistre sur la toiture fait de graves dégâts, notamment aux étages supérieurs. L’assurance a indeminisé la SCI propriétaire du château, mais une partie du montant des travaux, qui ont été déduits à tort des revenus fonciers, ont fait l’objet d’un redressement judiciaire, la mettant sur la paille. En 2005 la SARL Hostellerie du Château des Bézards, exploitante de l’ensemble hôtelier, fait l’objet d’une liquidation judiciaire.

Le château des Bézards est depuis laissé à l’abandon.

Notre visite du 28 avril 2018 montre un extérieur encore relativement bien conservé avec des éléments architecturaux intéressants (sûrement en raison de la toiture refaite après le sinistre de 2001et toujours en bon état).

L’intérieur est dévasté, vide de meubles, le sol jonché des papiers de l’ancienne hostellerie.

Nous avons poussé jusqu’aux communs qui ont abrité les colonies de vacances, il n’en reste que les murs. L’ensemble menaçant de s’écrouler, nous ne sommes pas rentrés à l’intérieur.

En revanche 4 graff magnifiques valaient le déplacement !

Note d’un de nos lecteurs, Pierre Grenet

“ Bonjour,

précision, ce n’est pas Louis d’Eichthal (1837–1912) qui fit construire le château des Bézards mais Dominique Grenet, vers 1840 marchand de vins et vigneron à Passy Véron en Bourgogne. Dominique Grenet (1776 -1847) a été Maire de Sainte Geneviève des Bois et Conseiller général du Loiret.

Il fit aussi construire l’hôtel des Bézards de l’autre côté de la route qui est devenu l’auberge des templiers.

Le château a été revendu à Louis d’Eichthal.

référence dossier aux archives nationales

Dossiers de clients de l’étude XII. MC/DC/XII/1 — MC/DC/XII/226

Famille Grenet, 1824–1857 : inventaire après décès de Dominique Grenet, conseiller général du Loiret, décédé en son château des Bézards, commune de Sainte-Geneviève-des-Bois (Loiret)”

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