La piscine de la Jonction

La triste fin d’une utopie sociale. Utopie: “Communauté d’individus vivant heureux et en harmonie”.

Si l’on veut raconter l’histoire de la piscine de la Jonction, Il faut remonter à la fin du XIXème siècle.

En 1852, le site de Nevers est choisi pour la réalisation d’un embranchement avec la Loire qui doit desservir les forges de la Chaussade, l’usine à gaz, la fabrique de porcelaine et la faïencerie de Nevers, les mines de houille de Decize et de Blanzy et les forges du Creusot. L’embranchement de Nevers est creusé de 1855 à 1861. Il s’agit d’un canal qui relie la Loire et le canal latéral à la Loire. Le canal débouche alors sur la Loire par une écluse, l’écluse de la Jonction dont on voit la forme caractéristique sur la photo ci-dessous.

De 1890 à1896 le canal latéral à la Loire est mis au gabarit Freycinet. Ce ne sera pas la cas du canal de la Jonction car à cette époque, le trafic des péniches en Loire est fortement réduit. L’écluse de la Jonction cesse alors de fonctionner….

…Mais pas pour tout le monde ! En ce début de XXème siècle, l’été, on va se “baquer” à la Jonction. La baignade s’organise au fil du temps et la société nautique Les Dauphins Nivernais nait au bord de l’écluse. On y pratique déspormais la natation et le water polo.

Plus tard, au début des années 50, des esprits entreprenants et visionnaires décidèrent de convertir le site en un véritable complexe aquatique, en utilisant les fondations de l’écluse qui lui donnent sa forme si caractéristique.

En 1960 un bassin de compétition est homologué et deux bassins (un petit et un moyen) sont en construction. Un éclairage est prévu pour les compétitions nocturnes.

photo extraite du site geodazner chronique de la Nièvre

Le site est géré par le club nautique de Nevers qui l’abandonne en 1973 au profit de la piscine des bords de Loire.

La piscine de la jonction est alors reconvertie en “parc aquatique”, ouvert uniquement les mois d’été.

La Jonction, dans les années 1970, c’était cinq bassins, dont un très grand avec plongeoir, où l’eau semblait toujours glacée, en août comme en juillet. Il y avait un gradin tout du long, où l’on pouvait poser sa serviette pour se faire bronzer, ou prendre un peu de hauteur, pour regarder les bateaux passer dans le petit port, en face de l’usine Neimann.” Extrait du Journal du Centre.

Ce site extraordinaire par sa configuration et ses dimensions inédites résonne encore de la clameur des baigneurs.

On y ressent toujours la chaleur du soleil sur le dos et la fraicheur de l’eau sur les pieds qui trempent en contrebas. On y entend encore les éclats de rire et les ploufs sonores.

Un bassin à vagues et des toboggans aux couleurs de la ville firent une apparition avant la fermeture définitive en 2009.

La piscine de la jonction restera à l’état de friche pendant dix ans, jusqu’à ce que la municipalité décide une “requalification du site”.

Fait de demi-mesures et d’une volonté de ne pas froisser les habitants encore attachés à l’endroit, le projet entend conserver la mémoire du lieu en matérialisant la trace des anciens bassins par des passerelles en bois et des margelles, en installant des jeux d’eau et du mobilier reprenant l’univers de la piscine…. “Un mur d’expression artistique, clin d’œil à l’état actuel de « friche », trouvera sa place sur le mur du fond dégagé par la pente de la piscine à vague ainsi que sur le mur en retour de la rampe d’accès au belvédère…/… La structure métallique des toboggans sera toutefois conservée et servira de support à des voiles permettant d’apporter de l’ombre sur la pelouse.”

Bullshit …

… Et pauvre piscine …

« la Jonction savait remplacer l’océan. Sans se faire mousser. C’était une piscine très humble. C’est pour ça qu’on l’aimait. On était chez nous. L’eau y était toujours bonne. Les filles toujours jolies. Notre jeunesse est encore dedans ! » Yann Moix.

Malheureusement, la jeunesse de Yann Moix et des milliers de baigneurs qui ont fréquenté la jonction a été ensevelie par les tractopelles en décembre 2019.


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